Les cartes en liberté surveillée
4 août 2007 par Pascal Rogard - Weblog
Le CNC vient de communiquer mais sans les mettre en ligne sur son site, les avis de la commission d’agrément présidée par Marie Picard concernant les cartes UGC illimitées et la nouvelle association avec MK2. Plus que d’avis, il faudrait parler de réquisitoire tant les reproches parfaitement documentés faits aux promoteurs de cette nouvelle façon d’écraser les rémunérations de la création sont nombreuses.
En premier lieu et sans doute faut- il y voir la patte du professeur Pierre Yves Gautier la commission pointe les vices du système au regard de la législation sur la propriété intellectuelle :
« A ce seul titre, la commission souligne, que portant exception à la règle d’ordre public de rémunération de la chaîne d’ayants droits sur l’assiette du prix réel, l’article 27 du code de l’industrie cinématographique doit être interprété restrictivement et certainement pas dans un sens défavorable à ceux-ci sauf à diminuer leurs prérogatives. En effet, il est clair que le prix de référence peut en fonction de la manière dont il est déterminé, affecter substantiellement la rémunération proportionnelle qui constitue une des pierres angulaires du droit d’auteur.
Par ailleurs la commission tient à rappeler comme elle l’a d’ailleurs fait à deux reprises, dans les courriers qu’elle a adressés au demandeur le 17 janvier et le 7 février 2007,la nécessité pour les émetteurs de formule de type « illimité » d’engager une concertation avec les distributeurs sur le montant du prix de référence préalablement à la souscription de l’engagement : en effet rien dans l’article 27, ni dans les travaux préparatoires de la loi de 2001, n’autorise une interprétation tendant à faire prévaloir le caractère unilatéral de l’engagement. En droit, ce n’est pas parce qu’une partie « s’engage » envers une autre, en application d’une loi que cet engagement constitue pour elle une faculté unilatérale dont elle pourrait déterminer librement le régime.
Ce peut être éventuellement le cas, lorsque l’engagement est essentiellement favorable à son destinataire Mais lorsque les droits de celui-ci sont directement en cause et que sa situation juridique s’en trouve substantiellement modifiée, l’engagement doit faire l’objet d’une acceptation de la part de celui envers lequel il est pris. Qu’on dénomme ce mécanisme engagement ou simplement contrat la conclusion est la même : il ne saurait y avoir de prix de référence fixé unilatéralement par l’émetteur."
La commission pointe également et cela devrait intéresser les associations de consommateurs que 20 recommandations de la commission des clauses abusives destinées à améliorer la protection des abonnés n’ont pas été suivies d’effet.
Par ailleurs les clauses abusives imposées aux exploitants indépendants n’ont toujours pas été modifiées.
La commission ne peut constater l’opacité du système et avoue son impuissance à obtenir d’UGC la transparence de la recette qui est pourtant un des principes fondateurs du CNC et de la régulation de l’exploitation cinématographique.
Enfin et c’est le pompon l’association UGC/MK2 est jugée très sévèrement par la commission :
« S’agissant du contrat d’association, la commission constate que le contrat soumis à son examen comporte, à l’article 9 une clause particulière qui ne figure pas dans les contrats d’association conclus par UGC Ciné Cité avec des exploitants non garantis. Cette clause permet à MK2 de renoncer, à tout moment, à s’associer au programme « UGC illimité » en dessous du prix plancher de 18 euros par mois.
La commission relève que ces stipulations contractuelles peuvent être analysées comme constituant une entente ayant pour objet ou pouvant avoir pour effet de restreindre le jeu de la concurrence en empêchant une éventuelle baisse du prix de l’abonnement et par la suite pourraient être qualifiées de contraires aux dispositions de l’article L 420-1 du code du commerce »
Analysant la concurrence avec l’autre émetteur de cartes le GIE Le Pass la commission indique :
« On ne peut donc exclure que la combinaison de ces différents paramètres puisse avoir un certain effet d’éviction sur tout autre formule d’abonnement de type illimité sur le marché parisien. A cet égard, on ne peut écarter l’hypothèse qu’une telle association puisse être analysée comme une position dominante collective, dont l’exploitation abusive pourrait alors être qualifiée au regard des règles protégeant la libre concurrence. »
Enfin constatant les effets potentiels sur les opérateurs les plus fragiles du secteur de la distribution la commission demande la limitation à 2 ans du nouvel agrément ainsi qu’une mise sous surveillance du marché par le CNC.
Conclusion, il y a quelque chose de pourri au royaume des cartes illimitées, mais je fais toute confiance à Guy Verrechia et à Marin Karmitz pour nous expliquer lors de leur conférence de presse du 5 septembre que leur « entente cordiale » est une action en faveur de l’intérêt général du cinéma français.
Continuez votre lecture avec
- Article suivant : La position du missionnaire
- Article précédent : Disparitions