Chronique d’une mort annoncée
29 décembre 2011 par Pascal Rogard - audiovisuel
Le cinéma français va bien, très bien.En 2011, au moins 210 millions de spectateurs auront fréquenté les salles obscures,un chiffre jamais vu depuis 1966, bien avant la multiplication des télévisions, l'Internet et toutes les nouvelles formes de loisirs.
Coté films français c'est aussi une année de bonne tenue avec une part de marché qui avoisinant les 40% nous place, et de loin au premier rang européen.
Et pourtant ces beaux résultats ne peuvent faire oublier les fruits amers de la numérisation des salles.
Premières victimes les films, plus rapidement débarqués pour faire la place aux chouchous du moment, et chaque semaine, c'est une hécatombe qui laisse nombre d'entre eux sur le carreau et pas forcément parce qu'ils sont sans qualité.
La loi sur la numérisation des salles a adopté le point de vue des exploitants face aux distributeurs, mais elle n'a pas établi de règles permettant d'éviter que cette avancée technologique des salles ne soit un accélérateur de l'éviction des films augmentant le nombre d'écrans mis à disposition de ceux qui ont du succès au détriment de tous les autres.
Autre victimes les laboratoires et plus particulièrement LTC ,Scan Lab, Duran Dubois dont les sociétés sont liquidées et les salariés à la compétence et au savoir faire mondialement reconnus brutalement licenciés.
Des licenciements qui ont d'ailleurs peu ému la presse et les professionnels beaucoup plus concernés par le sort des films pouvant être bloqués avant leur sortie en salles.
Pourtant la mauvaise fortune des industries techniques était parfaitement prévisible et déjà analysé dans deux rapports celui de Pierre Couveinhes qui date d'Octobre 2002 et celui de Jean Frédérick Lepers et de Christian Ninaud remis à Véronique Cayla en Juin 2010.
Le tissu des industries techniques étant depuis longtemps reconnu comme fragile et le maillon faible du cinéma français, il était inconséquent de ne pas les accompagner au même titre que les salles dans le processus de numérisation qui évapore toutes les recettes liées au tirage de copies photochimiques.
Les industries techniques ont le malheur de s'appeler industries et de ne pas à ce titre être véritablement incluses dans le champ de l'exception culturelle qui permet aux autres branches du cinéma de se tailler la part du lion dans la répartition des aides du Cosip.
On oubliera vite les larmes de crocodile des producteurs qui sont largement responsables de cette faillite en ayant toujours souhaité une concurrence leur permettant de bénéficier de prix serrés et de jouer à l'excès de crédits fournisseurs aboutissant à des impayés qui ont plombé la trésorerie des laboratoires.
Cette situation qui symbolise la désindustrialisation de notre pays mériterait un plan d'urgence car l'effondrement des industries techniques crée un chainon manquant susceptible de remettre à terme les fondements du système de soutien.
Imaginer un cinéma français fort sans industries techniques de qualité est une illusion qui sera paiera comptant dans quelques années.
Mais l'euphorie du succès et l'ivresse des cîmes sont peu propices aux réflexions d'avenir.
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Commentaires (3)
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Non Les producteurs ne sont pas les fossoyeurs du cinèma argentique Les exploitants pleurnicheurs qui ne produisent rien et n’innovent en rien sont bien ceux qui ont poussé à la mort de l’industrie.
Régulation ?
Pour une industrie aussi régulée l’on aurait pu penser que les avances, pré-achat et autres sur-financements des producteurs soient conditionnées par une obligation de financement correct du cycle d’exploitation de leurs fournisseurs.
Dans le même esprit l’on pourrait questionner les statuts de créanciers prioritaires sur les remontées de recettes, les « participations » doivent elles passer toujours avant les créances techniques ?
Bonne fin d’année.
Lucien Véran. Université Paul Cézanne – Euromed.
Merci Pascal pour cette défense de l’industrie du cinéma et de ses techniciens. Nous peinons à faire comprendre aux uns et aux autres que la part technique du film est primordiale et doit être préservée. Non, il n’y aura pas de cinéma français en bonne santé sans des techniciens et une industrie de qualité qui puissent le développer. La délétère guerre des prix qui règne est suicidaire pour le secteur dans son ensemble. La part technique dans le budget du film est sans cesse rognée, accélérant un processus de dégradation de l’environnement technique, de détresses économiques et de baisse de la qualité. La chute de Quinta a montré à quel résultat aboutissait cette course folle. Elle a aussi montré les risques techniques, pris par les sociétés du groupe pour pouvoir produire à des prix souvent en dessous du coût de la prestation. Il serait bon d’apprendre de ce malheureux exemple et d’organiser des états généraux du film et de l’économie de sa fabrication.
Laurent Hébert, délégué général de la CST.