Quand l’inspecteur s’emmêle

6 mai 2012 par - audiovisuel

DR

Il faut souhaiter bien du courage aux inspecteurs de police qui devront enquêter suite à une plainte du CSA sur l'origine des fuites qui ont permis à l'hebdomadaire "Le Point " d'informer ses lecteurs de la teneur de l'avis transmis à l'autorité de la concurrence sur la fusion Canal Satellite/TPS.

Le CSA du fait de sa proximité avec les chaînes de télévision  qu'il contrôle et de la diversité de ses conseillers n'est pas connu comme un gardien des secrets, mais bien comme une maison poreuse à toutes les influences et bavarde ce qui n'a rien d'étonnant dans le petit milieu de la communication audiovisuelle.

Hormis cet épisode qui va peut-être mobiliser des forces de police pour un incident sans grande importance, il  faut s'intéresser au fonds de l'affaire qui révèle de solides  tendances masochistes, car il est assez difficile au moment où le CSA s'inquiète des possibles effets dévastateurs de la télévision connectée de le suivre dans son entreprise d'affaiblissement d'un champion français dont le role dans la bonne santé du premier cinéma d'Europe est incontestable.

Certes, il arrive aux dirigeants de Canal plus dans leur volonté de contrôler le marché de se livrer à certains excès ,mais le dernier épisode de maintien de la  débile rigidité de la chronologie des médias ne saurait leur être imputé et doit tout à des organisations professionnelles du cinéma  incapables d'adapter le système à un monde qui change et à la vie réelle des films.

Il faut aussi créditer le CNC de cette situation de blocage car il a mis beaucoup moins d'ardeur à proposer une modernisation de l'accord en instituant  notamment des dérogations tenant compte de la réalité des exploitations qu'il n'en avait fait preuve pour cadenasser l'ensemble des services délivrés par Internet.

Pour en revenir au CSA, comment vouloir prétendre à la concurrence loyale alors que les futurs concurrents de Canal plus au premier rang desquels Apple qui ressemble de plus en plus à la pomme de Blanche neige sont des champions de la délocalisation, de l' optimisation fiscale en Europe et même aux Etats-Unis, multiplient les contentieux pour ne pas rémunérer les créateurs au titre de la copie privée et savent parfaitement utiliser une main d'oeuvre sous payée, entassée dans des dortoirs pratiquant le même capitalisme exploiteur que celui dénoncé par Karl Marx au XIX ème siècle.

Il faut être totalement inconscient pour ne pas voir que ces gens là ne respectent aucune règle et leur laisser le champ libre en affaiblissant volontairement nos grandes entreprises audiovisuelles relève d'une naïveté coupable.

Faut-il une concurrence sur les services prémium alors que les droits du football appartiennent à un monopole résultant de la réglementation, qu'une offensive de mystérieux qataris au chéquier illimité a déjà affaibli la position de Canal plus et que l' oligopole Hollywoodien s'organise pour contourner les acteurs nationaux ?

 Cette politique de gribouille nous  risquons sous peu de la regretter amèrement  si le pouvoir politique n'y met bon ordre en redonnant à la régulation audiovisuelle le sens des priorités.

Commentaires (2)

 

  1. yann dit :

    « affaiblissement d’un champion français dont le role dans la bonne santé du premier cinéma d’Europe est incontestable »

    Autant je comprends qu’une TV puisse financer des séries ou autres reportages… mais pour le cinéma, ils devraient être de simples clients.

    En réalité, ne sont-ils pas plutôt contraint de se mêler de financer des films… car on leur impose des quotas de diffusion d’un côté et que notre « premier cinéma d’Europe » aurait la facheuse tendance à ne pas produire des choses qui attirent le spectateur quand on le laisse libre?

    Et les chaines de TV devant vivre…

    Nous sommes dans un système sous perfusion obligée (taxes), ce qui n’a jamais stimulé la performance, auquel on botte de cul (via les diffuseurs soumis à quota)… afin qu’il performe!

    Franchement, faut aimer cumuler les antagonismes quand il serait si simple de laisser la concurrence jouer.

    Au final, je reprendrais une conclusion lue ici:
    http://www.cnis-mag.com/l%E2%80%99industrie-du-loisir-se-porte-bien-merci.html

    « Si l’on excepte les grands infrastructures stratégiques nationales (scada notamment) et l’entretien nécessaire de l’appareil administratif, aucune autre industrie du secteur privé représentant aussi peu dans le PIB de la nation ne bénéficie de prébendes systématiques aussi élevées tirées sur le trésor public. »

    J’espère en effet que cette « politique de gribouille » va cesser avec la nouvelle équipe…

    • Pascal Rogard dit :

      Si le cinéma français est le premier d’Europe c’est qu’il n’a pas laissé jouer ce que vous appelez la concurrence au seul bénéfice de l’oligopole hollywoodien.

Laisser un commentaire