Brouilles et embrouilles
11 juillet 2012 par Pascal Rogard - économie numérique
En 2005 la commission de l'UE pour favoriser la concurrence détruisait par une recommandation sur la musique en ligne le système d'accord de réciprocité qui permettait aux sociétés d'auteurs et d'éditeurs de délivrer des autorisations uniques pour l'ensemble des territoires concernés
En 2012, la même commission constatant les effets ravageurs de sa recommandation sur le système d'autorisation prétend réglementer les sociétés de gestion collective pour selon les dires du commissaire Barnier " créer un vrai marché de la musique en ligne" et répondre à la demande des consommateurs.
Pourtant à l'époque l'UER qui représente les radiodiffuseurs s'était fortement inquiétée des complications induites par ces propositions .
Il n'est certes jamais trop tard pour corriger ses erreurs et persévérer aurait été diabolique, mais la capacité de la commission à se tromper, à élaborer des textes sans se concerter avec les premiers intéressés, à schématiser , à nier les différences et à promouvoir une idéologie fondée sur l'idée que la culture n'est qu'une marchandise comme les autres est sans limite.
Le discours de la commission porte sur la musique en ligne , mais au lieu de s'en tenir à ce qu'elle a longtemps étudié et mue par une volonté d'uniformisation inspirée par les géants américains de l'Internet, voilà qu'elle étend les dispositions réglementaires à l'univers du cinéma et de l'audiovisuel dont les modalités de fonctionnement sont profondément différentes et obéissent à d'autres logiques économiques.
Et tout celà sans aucune concertation avec les sociétés d'auteurs audiovisuelles pourtant regroupées au sein d'une organisation commune la SAA qui représente plus de 120000 scénaristes et réalisateurs européens de cinéma et de télévision.
Il est vrai qu'à Bruxelles tout ce qui peut affaiblir les défenseurs de la diversité culturelle ,de certaines formes de mutualisation et d'entraide est bon à prendre . Une seule idéologie domine celle du marché intérieur sans préoccupation de savoir à qui profite ce marché.
Si vous êtes un géant américain de l'internet , au Berlaymont on vous déroule le tapis rouge qui sied aux exilés fiscaux, si par contre vous représentez ceux qui font la force créative de l'Europe vous etes considéré comme un intrus incapable de comprendre les lois nouvelles de l'économie numérique.
Quant à la transparence des sociétés de gestion collective la France s'est dotée depuis 2000 d'un outil efficace et respecté la commission permanente de controle des SPRD abritée par la cour des comptes.
Certains n'ont pas apprécié ce controle .Pour ma part je m'en suis toujours félicité estimant que la transparence était de l'intérêt des auteurs et des dirigeants à une époque où la gestion collective est indispensable pour assurer aux créateurs le respect de leurs droits.
J'invite donc ceux que je n'ai jamais rencontré à Bruxelles à venir voir comment fonctionne la plus ancienne société d'auteurs, à parler avec ceux dont elle gère les droits et à apprendre l'humilité qui sied mal aux idéologues.
Continuez votre lecture avec
- Article suivant : L’exception culturelle 2.0
- Article précédent : Le cadavre ne porte pas de costard