L’ombre d’un doute
18 février 2013 par Pascal Rogard - audiovisuel
La loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur a fixé un nouveau régime d'investissement des chaînes permettant de recentrer leurs obligations sur le noyau dur de la création à savoir les oeuvres patrimoniales et de mettre fin aux dérives résultant de la précédente définition laxiste des oeuvres audiovisuelles qui pouvait intégrer des programmes de téléréalité.
La loi a également prévu pour la détermination du niveau des obligations suite au rapport Kessler /Richard un système de négociations professionnelles dont les résultats sont ensuite validés par décret.
La négociation grâce à l' accompagnement du Ministère de la culture et de la communication a parfaitement fonctionné et ce en dépit d'un nano accord avec M6 vite oublié tant il était contraire aux intérêts de la création.
Cette méthode pourrait être améliorée en prévoyant en cas d'accord professionnel une procédure d'extension évitant la lourdeur du décret qui peine à retranscrire fidèlement les subtilités de certaines négociations et en fixant par la loi les conditions précises de cette extension .
Par contre le CSA se met le doigt dans l'oeil en proposant que le décret précède la négociation, car dans ce cas l'expérience montre que les diffuseurs débarrassés de la crainte d'un régime plus sévère seront peu enclins à faire des concessions et à améliorer le régime de base.
Ce point de modernisation positive étant incontestable, il restait une incertitude sur le niveau d'investissement dans la création car la logique d' une baisse du taux de contribution contrepartie du resserrement du périmètre des oeuvres financées a donné lieu a une propagande présentant les nouveaux accords comme une braderie du soutien à la création.
Dans son rapport sur l'application de la nouvelle réglementation, le CSA a fait justice de cette mise en cause en indiquant que les " montants d'investissement dans les oeuvres patrimoniales ont cru en valeur absolue depuis 2009; ils ont fortement dépassé, en 2011,le précédent maximun de 2008 qui précédait la crise publicitaire de 2009 ".
L'objectif de recentrage de la réglementation sur le coeur de la création audiovisuelle a donc été parfaitement atteint et aucun doute ne peut subsister sur la pertinence de la nouvelle définition patrimoniale des oeuvres même si certains problèmes de frontières nécessitent une concertation suivie.
C'est pourquoi, il est assez étonnant que cédant au lobby de sirènes aux voix mélodieuses, le CSA propose de détricoter et de complexifier la réglementation en vue de prendre en compte certains investissements dans la partie musicale d'émissions de flux.
Déshabiller Pierre pour habiller Paul ne témoigne pas d'une grande ambition pour la création , mais surtout ignore que les oeuvres patrimoniales sont rarement muettes et sans musique et que les retransmissions de concerts ou les diffusions de vidéomusiques sont déjà à juste titre intégrées .
S'il est utile que le CSA souligne les effets positifs d'une réglementation qu'à l'époque il n'avait pas défendue et même par un de ses membres cherché à contrecarrer, il serait souhaitable qu'avant de formuler des propositions , il les soumette à l'analyse et aux réflexions de ceux diffuseurs et créateurs qui ont ensemble porté les nouvelles règles du jeu sur les fonds baptismaux.
Quoiqu' il en soit et ainsi soit-il, je m'abstiendrai pour ce qui me concerne de demander, en juste retour, l'application de quotas audiovisuels au paysage radiophonique.
Continuez votre lecture avec
- Article suivant : En attendant Godot
- Article précédent : Business as usual