Duplicité

21 mars 2013 par - diversité culturelle

 

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L'ouverture d' une zone de libre-échange avec les Etats-Unis semble désormais être le nouvel eldorado de la Commission Européenne qui à force d'échouer a choisi la fuite en avant.

Faute d’avoir pu définir de nouvelles politiques de croissance, l’ouverture de marchés américains et la levée de quelques barrières douanières constituent un horizon incontournable. Indépassable pour les milieux d’affaires et les autorités bruxelloises, mais contestable pour nombre d’économistes.

Ces négociations ont aussi une autre spécificité que d’agiter les experts de la prospective : elles font tomber les masques !

Qu’il est loin le temps où les plus hauts responsables de la Commission européenne se plaisaient à célébrer, à coups de belles envolés lyriques et de trémolos dans la voix, l’exception culturelle.

« Il va falloir démontrer que notre credo commun en faveur de la diversité culturelle se traduit par des actes concrets. » nous disait le Président de la Commission, M. Barroso lors de la cérémonie de ratification de la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle en décembre 2006. Le même déclamait, un an plus tôt, en 2005, lors des Rencontres pour la Culture, à la Comédie Française : « d'où ma profonde conviction, maintes fois exprimée, que dans l'échelle des valeurs, la culture vient devant l'économie. » 

L’heure est aujourd’hui à la grande braderie puisque nos non-élus de la Commission aux exceptions notables d' Androulla Vassiliou et Michel Barnier viennent d’adopter un projet de mandat de négociation avec les Etats-Unis qui oublie d’exclure les services audiovisuels des discussions commerciales à venir comme l'impose la convention Unesco  pourtant ratifiée par l'UE et tous ses Etats membres.

Avec à la clé des conséquences qui seront catastrophiques pour tout notre système de financement de la création si la culture et l'audiovisuel n'étaient pas soustraits au processus de libéralisation :  remise en cause des obligations de diffusion et les règles de promotion des œuvres européennes et d'expression originale française, des subventions, des règlementations limitant le poids des capitaux étrangers dans les médias ou exigeant l’établissement des entreprises sur le territoire français pour percevoir des aides….

Pire encore, Androulla Vassiliou, Commissaire à la Culture, a vendu la mèche lors de son passage à Paris le 19 mars : « En dépit de mon souhait de voir les services audiovisuels exclus, la décision du Collège des commissaires a été différente, car c’était une condition des Etats-Unis, qui voulaient que tout soit sur la table pour ces négociations. »

Tout est dit : l’Amérique exige, l’Europe s’exécute… ou pire  l'Amérique ne dit rien et l'Europe se déshabille.

Car si le président Obama a rappelé  dans son discours sur l' Etat de l'Union que les négociations ne devaient exclure  aucun secteur c'est que déjà sans aucun mandat la commission avait préempté un abandon de souveraineté sur les politiques culturelles.

Un abandon que la technique de négociation facilite, car elle aura lieu dans un cadre de listes négatives comme le défunt AMI bloqué par Lionel Jospin et non dans le système de listes positives qui était celui du Gats .

Dans cette méthode de négociation ce qui n'est pas expressément exclu est considéré comme libéralisé c'est dire soumis aux principes de traitement national et à la clause de la nation la plus favorisée.

Tout cela n’empêche pas le commissaire au Commerce, K. de Gucht, dont les soupçons de fraude fiscale pesant sur lui ne semblent éveiller l’attention d’aucun des déontologues de la Commission, de répéter à l’envi que rien ne sera fait pour mettre en péril la diversité culturelle.

Peut-on faire confiance à ce champion de la dissimulation qui avait négocié dans le plus grand secret le projet de traité Acta finalement rejeté par le Parlement européen ?

A l'évidence non, car déjà il propose un gel des réglementations sur les services audiovisuels classiques et la possibilité pour chaque Etat de se dispenser des règles de promotion des oeuvres européennes pour les services de VàD ce qui favoriserait les Panamas numériques.

Peut-on faire confiance à ses collaborateurs qui nous recevant, il y a quelques mois nous assuraient avec le sourire de ceux qui savent qu'aucune discussion n'était engagée et que les politiques culturelles en aucun cas ne seraient concernées.

C’est bien connu, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ! S’il en a les apparences, cet engagement n’en est pas un, il n’a ni force ni valeur juridique.

En revanche, il a un intérêt tactique pour la Commission : le Traité européen impose que le mandat de négociation soit adopté à l’unanimité s’il existe des menaces sur les politiques de l’Union en faveur de la diversité culturelle.

En niant tout impact sur la diversité culturelle, la Commission essaie à bon compte de repousser cette règle de l’unanimité pour faire prévaloir un vote à la majorité qualifiée.

L’enjeu est de taille car l’unanimité est aujourd’hui impossible à réunir ! La France, par la voix du Président de la République François Hollande et de la Ministre de la Culture et de la Communication Aurélie Filippetti, a déjà fait savoir qu’elle s’opposerait à cette mise au rebut annoncée de l’exception culturelle. Heureuse nouvelle évidemment pour tous ceux qui défendent le droit souverain des Etats à adopter des politiques de soutien à leur création.

Ils se retrouvent malheureusement pour l’heure, coincés entre l’activisme américain à déréguler et le reniement européen de responsables très occupés à faire oublier qu’ils avaient célébré en grande pompe la ratification de la convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle par l’Union européenne.

L'opposition de la France dont la diplomatie doit maintenant chercher à rallier d'autres Etats laisse entrevoir des lendemains moins radieux qu’espérés par les négociateurs commerciaux les plus libéraux.

Bref, le combat ne fait que commencer !

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Commentaires (2)

 

  1. Julien Tricard dit :

    Bon ben voilà…
    Donc nous allons devenir les chypriotes de la culture.
    Et sinon, ils obtiennent quoi en échange de notre sacrifice nos amis de la Commission?

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