Le tracassin de la culture
24 novembre 2013 par Pascal Rogard - audiovisuel
Comme aurait pu le dire le général De Gaulle, la commission européenne est le tracassin de la culture.
Les fonctionnaires de Bruxelles dont l'objectif est l'uniformisation dans le cadre d'un grand marché unique des biens et des services ne comprennent rien aux politiques culturelles et à leurs subtils mécanismes qui visent souvent à contourner, ils diront dévoyer des règles mercantiles qui sont autant d'obstacles à la diversité.
Deux exemples récents témoignent de ces incessantes tracasseries contre des politiques nationales qui visent à promouvoir la création.
Premier exemple la " communication cinéma " qui détermine en vertu du pouvoir propre à la commission d'intervenir pour faire respecter la concurrence les règles auxquelles sont soumises les aides d'Etat à la création cinématographique et audiovisuelle.
Elaborés en 2001 par Viviane Reding une habituée des rendez-vous Beaunois et Mario Monti puis reconduits sans changement les critères d'examen des aides d'Etat ont donné lieu pendant deux ans à un mauvais feuilleton en raison des tentatives des eurocrates de remettre en cause la territorialisation des aides, c'est à dire le juste retour que sont en droit d'attendre les Etats ou les collectivités territoriales en terme d'emplois et de dépenses.
Si ces eurocrates avaient eu gain de cause, il est évident que les aides auraient fondu comme neige au soleil car la dépense publique n'a pas vocation à financer l'électro polonais.
Heureusement la combativité des Etats et particulièrement de notre ministre Aurélie Filippetti , celle des professionnels et la lucidité des commissaires qui n'ont pas cédé aux oukases de leurs services ont permis d'aboutir à un résultat satisfaisant car guère différent des règles précédentes.
." Beaucoup de bruit pour rien ", " tout ça pour ça " ainsi va l'Europe de la culture .
Deuxième exemple le blocage par Bruxelles au nom du dogme de la non taxation des activités de télécommunications des modifications apportées par le Parlement français unanime au régime de leur contribution au financement du CNC , au titre de leurs activités de distribution des programmes de télévision .
Il s'agissait dans cette affaire de mettre fin à la combine consistant à restreindre le plus possible l'assiette de la taxe en substituant à la facturation à 30 € d'une offre triple play une facturation à 29 € d'une offre double play ouvrant droit cerise sur le gâteau à une offre supplémentaire de programmes de télévision proposée au prix défiant toute concurrence de 1€ .
Ce genre de tricherie est jouissive pour nos bruxellois télécommisés qui ont multiplié les arguties juridiques pour bloquer la mise en œuvre de la réforme jusqu'à ce que sur un autre sujet concernant le financement de France télévision la CJUE tranche en faveur de notre pays et oblige la commission à valider les nouvelles règles anti-contournement .
L'application des nouvelles dispositions n'étant pas rétroactives , c'est près de 100 millions d'euros qui sont restés dans les poches des télécoms concernés Free et SFR et n'iront pas financer la création.
Pas de doute la commissaire Nelly Kroes et ses équipes ne manqueront pas en fin d'année de très beaux cadeaux sous leur sapin de Noël.
Ces questions là ont finalement été très peu abordées lors du Forum d'Avignon dont l'un des sujets de débat était :" veut-on une politique de la culture en Europe ? " .
Les discussions savantes ronronnaient quand heureusement Jacques Toubon un des vainqueurs de l'exception culturelle en 1993 poussa un salutaire coup de gueule rappelant la primauté du politique et des politiques et la nécessité d'agir et oui d'agir pour que les politiques culturelles ne soient pas vidées de toute substance par les géants du numérique qui profitent de nos divisions ,de la pusillanimité des Etats et des tapis rouges qui les accueillent dans les couloirs de la commission pour détruire lentement mais sûrement le soutien à la création.
Le message de Jacques Toubon était aussi porteur d'espoir me rappelant cette phrase de Platon
" Ce ne sont pas les remparts , mais les hommes qui font la force de la cité ".
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