Questions pour un champion
2 novembre 2015 par Pascal Rogard - Weblog
Le CSA en retirant son autorisation d'émettre à la chaîne N° 23 a mis un brusque coup d'arrêt à l'impudence des intrigants qui spéculent sur la revente d'un bien public.
L'acquisition par TF1 du groupe de production Newen assemblé par Fabrice Larue présente quelques similitudes qu' il convient d'expliquer.
Le premier partenaire de Newen est en effet le groupe public France Télévisions qu'il alimente en émissions de flux, en documentaires et en fictions audiovisuelles dont la plus emblématique "Plus belle la vie " est le fleuron de France 3 .
Le service public est à l'origine de ce succès car Marc Tessier et Rémy Pfimlin avaient décidé de poursuivre l'aventure en dépit de premiers résultats d'audience très décevants.
Ce qui aurait été pour n'importe quelle chaîne privée un "accident industriel" est devenu grâce à la liberté que confère le financement par la redevance et à la clairvoyance des dirigeants de l'époque un élément structurant de la grille de programmes de FR3.
Cette histoire relèverait du conte de fées si la législation n'avait transformé le carosse en citrouille.
L'Etat s'étant mis en tête de favoriser la production indépendante des diffuseurs, FTV n'a pu acquérir les parts de production correspondant à son investissement dont le bénéfice patrimonial est concentré entre les mains du producteur privé.
Cette règlementation récemment légèrement assouplie à la suite des rapports du sénateur Plancade et de Laurent Vallet empêchait les diffuseurs de valoriser leur financement de la production autrement qu'en droits temporaires de diffusion.
Le coup de génie de Nonce Paolini qui comme les autres patrons de chaîne ne cessait d'argumenter pour l'abolition de ces règles est en annonçant son intention d'acquérir Newen de montrer l'absurdité d'un système qui exproprie de leurs droits légitimes le service public et les chaînes privées au bénéfice d'habiles financiers dont les scrupules ne s'arrêtent ni aux frontières françaises ni à la qualité de diffuseur de leur acheteur.
Quel tromperie et quelle duplicité de ceux qui récemment encore défendaient publiquement la main sur le cœur l'indépendance de la production et qui après avoir menacé de tout vendre à un opérateur étranger retournent veste et pantalon pour traiter avec TF1.
Sans aucun égard pour leurs collègues producteurs indépendants, ils sabordent la réglementation qui leur a permis de faire fortune et donnent raison aux diffuseurs à quelques encablures de la discussion au Sénat du projet de loi relatif à la liberté de création.
Delphine Ernotte et Nicolas de Tavernost ont déjà vivement réagi au risque d'une prise de contrôle par leur concurrent d'une partie de leurs programmes.
La réglementation actuelle a vécu car l'intérêt national implique que les droits des œuvres financées par l'argent public restent la propriété du service public seul moyen de garantir leur maintien dans notre patrimoine audiovisuel.
Il n'est pas trop tard pour Fleur Pellerin qui a salué le côté positif d'une opération qui crée "un champion français" (sic) de se ressaisir et de se rappeller que l'Etat est l'actionnaire de FTV dont les intérêts sont gravement mis en cause .
Des intérêts qui sont aussi ceux de tous les français.
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