Contagion
16 mars 2020 par Pascal Rogard - audiovisuel, spectacle vivant
C’était le 11 mars. Le Figaro titrait sur ces producteurs audiovisuels français qui se ruent en nombre à Londres pour ouvrir des filiales. L’excellence du climat londonien ne semble pas être beaucoup dans cette forme d’exil au moment du Brexit.
En revanche, la perspective de pouvoir produire en Grande-Bretagne des œuvres - en anglais - qui continueraient à bénéficier, grâce au charme suranné de la convention européenne sur la télévision transfrontière du conseil de l'Europe, de la qualité d’œuvre européenne, bénéficiant des quotas européens des chaînes et des plateformes, explique davantage cette passion subite pour l’Eurostar.
Il faut reconnaitre que l’amour du business prime tout …,même la cohérence !
Ceux qui se félicitaient de la directive sur les services de médias audiovisuels et de sa capacité à mettre fin au contournement des règles européennes en fixant des règles du jeu identiques pour tous semblent désormais avoir remisé l’éthique , la morale et disons le une forme de patriotisme au vestiaire.
Il y en a même parmi ces nouveaux expatriés, lointains héritiers des émigrés de l'ancien régime qui n’ont eu de cesse de clamer la nécessité de défendre la production déléguée à la française, vénérable et supposé seul pilier de l’exception culturelle, tout en pilonnant les dispositions du projet de loi qui protégeaient le droit moral et le droit à rémunération proportionnelle des auteurs.
On comprend désormais que Londres eldorado des coproductions internationales offre l'opportunité à ces producteurs français de s’asseoir sur les droits des auteurs pour éviter les fortes avancées introduites par Franck Riester dans le projet de loi audiovisuel .
Cette attitude déplorable et minable méritera qu’on s’y attarde à nouveau lorsque les travaux parlementaires reprendront leur cours .
Mais, aujourd’hui, nous sommes le 16 mars, au début d’une crise sanitaire inédite qui nous oblige à repenser les priorités individuelles et collectives : se protéger et protéger les autres, se conformer aux gestes barrières, éviter les déplacements inutiles, rester chez soi….
La SACD qui en tant qu'entreprise avait déjà fortement développé le télétravail, le renforce actuellement fortement de façon à permettre chaque fois que cela est possible d'assurer la continuité des services rendus à tous ses membres en respectant les instructions du gouvernement.
Nous pouvons et devons tous le faire, pour nous, nos parents, nos enfants, nos amis, nos collègues, pour stopper l’épidémie.
La culture peut nous aider dans ces moments difficiles qui seront longs. Les livres, les films, les séries, les podcasts seront des compagnons de beaucoup de français dans cette époque de confinement.
En revanche, le spectacle vivant et les auteurs qui lui donnent vie ont déjà payé cher face à cette crise. Avec la limitation des spectacles à une jauge inférieure à 1000 spectateurs, puis à 100, et enfin avec la fermeture des théâtres - mais aussi des cinémas -, le spectacle vivant s’est tu. Il ne faudrait pas qu’il meurt.
L’économie déjà fragile, pour ne pas dire précaire, de beaucoup de lieux, publics comme privés, et de compagnies, risque de ne pas se relever si un plan massif n’est pas mis en place à la sortie de cette crise.
Ce plan de soutien devra évidemment concerner les entreprises du secteur et les intermittents du spectacle mais il est aussi vital qu’il n’oublie pas les auteurs, dont les rémunérations sont pour la plupart liées à la diffusion de leurs œuvres et qui ne bénéficient d’aucune assurance-chômage.
Ils sont aujourd’hui et encore plus demain dans la bourrasque. La responsabilité du politique et de notre ministre Franck Riester, à qui l’on souhaite un prompt rétablissement, sera de trouver les ressources pour accompagner la reprise et soutenir fortement ces auteurs et autrices du spectacle vivant. Nous serons là pour l’encourager dans cette voie, une fois le virus vaincu.
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