Résiste

11 janvier 2021 par - audiovisuel, Cinéma, spectacle vivant

© Lesfilmsd'ici

Après le « quoiqu’il en coûte » de 2020, 2021 sera-t-elle l’année du « coûte que coûte » ?

Nous en sommes effectivement là en ce début d’année, à vouloir sauver la culture, coûte que coûte. A l’épreuve des couvre-feux et des confinements, l’heure est bien de tout faire pour éviter le naufrage de la culture vivante et de ce qui fait la richesse mais aussi la spécificité de notre pays.

 

La situation est grave : le spectacle vivant dépérit, nombre de compagnies sont à l’agonie, la situation économique des théâtres est préoccupante, l’avenir des cinémas et de ses entreprises est inquiétant, sans parler des auteurs, qui sont souvent dans l’angle mort de l’action publique, et dont un certain nombre aujourd’hui est en proie à des difficultés de plus en plus grandes et sans perspectives rassurantes pour l’avenir.

La SACD a agi l’an dernier pour être à leurs côtés, en mettant en place des fonds de soutien, en signant de nouveaux accords avec les diffuseurs, en prenant des initiatives pour leur permettre de continuer à exercer leur activité professionnelle quand cela est possible, et surtout d’en vivre. Elle poursuivra cet engagement, au cœur de son ADN et de ses missions.

 

Pour sortir de ce sombre tableau, qui exige ce « coûte que coûte » indispensable à la survie de notre exception culturelle et au maintien en activité de beaucoup de créateurs et d’entreprises culturelles la mobilisation tous azimuts du gouvernement fait aussi figure de préalable.

De nouvelles aides vont devoir être rapidement annoncées pour accompagner un secteur et des professionnels sinistrés. Mais, au-delà des engagements financiers, les conditions de la reprise doivent aussi pouvoir être dessinées sans tarder, pour sortir, enfin, du brouillard.

 

L’attente est interminable pour les  professionnels qui veulent pouvoir, non pas tendre la sébile éternellement, mais exercer leurs métiers, leurs passions et leurs talents, en restant aussi responsables dans le respect des protocoles sanitaires qu’ils ont su l’être.

 

Ils ont pu compter l’avant-veille de Nöel sur le renfort du Conseil d’Etat, saisi par la SACD mais aussi par beaucoup d’autres organisations du cinéma et du spectacle vivant. Certes, ce soutien n’a pas été assez décisif puisque la décision de fermeture des cinémas et des théâtres a été confirmée, mais il est utile pour préparer l’avenir et encadrer le pouvoir du gouvernement.

Retour en 4 actes sur la démonstration du Conseil d’Etat.

 

1er acte : fermer ces lieux de culture constitue une atteinte grave aux libertés, « notamment à la liberté d’expression, à la liberté de création artistique, à la liberté d’accès aux œuvres culturelles et la liberté d’entreprendre. »

 

2nd acte : «  Le risque de transmission du virus dans les cinémas, théâtres et salles de spectacle est ainsi plus faible que pour d’autres événements accueillant du public, dès lors que de tels protocoles sont effectivement appliqués. »

 

3e acte : « Le maintien de la fermeture de ces lieux culturels n’est justifié que dans un contexte sanitaire particulièrement défavorable » ; « les données actuelles montrent une dégradation de la situation sanitaire au cours de la période récente, à partir d’un plateau épidémique déjà très élevé, et pourraient se révéler encore plus préoccupantes au début du mois de janvier. En outre, la détection d’un nouveau variant du SARS-CoV-2 au Royaume-Uni est de nature à accroître l’incertitude. »

 

4e acte : « le maintien de la fermeture au public des cinémas, théâtres et salles de spectacles serait manifestement illégal s’il n’était justifié que parce qu’il existe un risque de contamination des spectateurs, indépendamment du contexte sanitaire général. »

 

Derrière la prose délicate et mesurée des conseillers d’Etat, se cache en fait un sérieux avertissement pour l’Etat, sans frais cette fois. Une chose est désormais sûre : quand la situation sanitaire prendra le chemin de l’amélioration, le gouvernement aura au-dessus de sa tête l’épée de Damoclès, posée consciencieusement par le Conseil d’Etat et qu’il n’hésitera pas à faire tomber si les pouvoirs publics ne rouvraient pas les lieux, théâtres et cinémas. 

 

Pour éviter camouflet juridique et discrédit politique, il faut espérer que la lecture attentive de la décision du Conseil d’Etat mais aussi la prise en compte de l’exaspération, de la fatigue et même de la colère des créateurs et des professionnels de la culture incite le gouvernement à trouver une voie plus audacieuse qui nous permette d’envisager sans trop tarder une reprise des spectacles et le retour vers les salles obscures.

 

On ne saurait trop souligner l’urgence de redonner toute sa vie à la culture vivante. On a beau savourer avec plaisir la série "Lupin" qui connaît un succès fulgurant sur Netflix ou se laisser prendre par le magnifique film de Nicolas Bedos "la belle époque" sur Canal+, l’émotion du spectacle vivant ou les vibrations d’une salle de cinéma sont un sel qui manque terriblement à la vie culturelle.

 

Contrairement au directeur juridique du ministère de la Santé venu plaider  que les théâtres et les cinémas pouvaient rester fermés, la culture restant de toute façon accessible de manière dématérialisée, nous ne pourrons comme le Conseil d'Etat qui a écarté cet argument fallacieux  nous résoudre à ce que la vie culturelle soit enfermée dans l’univers des plateformes, aussi utile soit-il.

 

Alors, si 2021 doit se décliner sous la forme d’un espoir, il serait celui d’un nouveau démarrage pour le spectacle vivant et le cinéma et de ses formes, ô combien modernes et souvent magiques, de la création et de la dramaturgie.

Il serait aussi celui d’un pays qui défend mieux et soutient plus ses auteurs, qui leur assure une meilleure protection au moment de la création, qui favorise une plus grande vertu dans les relations contractuelles avec les producteurs et qui les place au cœur des politiques culturelles.

 

C’est non seulement un espoir mais aussi le moteur de l’action de la SACD cette nouvelle année.

 

Bonne année à toutes et tous,

 

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