Vertigo les vertiges de l’exploitation cinématographique

7 juin 2022 par - Cinéma

 

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Ce qui se passe à Cannes ne reste pas toujours à Cannes !

Il en sera sans doute ainsi de l’étude dévoilée par le CNC à l’occasion de ce dernier festival présidé par Pierre Lescure – Merci à lui – et qui posait cette question essentielle : Pourquoi les Français vont-ils moins souvent au cinéma ?

Elle méritait en effet d’être posée au vu de la baisse de fréquentation en salles qui n’a pas vraiment été freiné depuis la sortie de la crise sanitaire : depuis la réouverture des salles le 19 mai 2021, une fréquentation en retrait de 28 % par rapport à 2017-2019 ; une baisse de -30% et -23% en mars et avril 2022 par rapport à la même période de 2019.

Au-delà du constat, l’étude réalisée par le CNC et l’institut Vertigo dresse un panorama instructif des raisons de cette désaffection entre les publics et le cinéma. On aurait pu espérer qu’elles soient liées à la seule conjoncture et aux mesures sanitaires. Elles sont malheureusement aussi structurelles : 36% de ceux qui ne sont pas vraiment revenus en salles l’expliquent par la cherté des places, 26% par l’habitude prise de visionner des films sur d’autres supports et 23% par une offre cinématographique peu attractive.

A en croire les professionnels de la profession, le cinéma aurait déjà dû mourir une centaine de fois depuis que le CNC existe.

Aussi, au désespoir nous pouvons sans doute nous en remettre à un optimisme prudent et raisonnable, pour peu qu’on continue à croire en la force du cinéma, qu’on se donne les moyens de tirer les conclusions utiles de cette étude et de prendre les décisions qui s’imposent.

L’évolution des offres commerciales et marketing sera évidemment une réponse que les exploitants pourront et devront apporter pour recréer une attractivité auprès d’un public qu’on aurait tort d’imaginer uniforme. Les urbains, les ruraux, les jeunes, les seniors, tous n’ont pas les mêmes raisons de ne pas avoir retrouvé le chemin des salles. L’équation commerciale en sera d’autant plus délicate à résoudre.

La régulation aura aussi son rôle à jouer dans le retour en grâce de la salle de cinéma. N’en déplaise à celles et ceux qui pensaient être sortis du cycle infernal des négociations professionnelles sur la chronologie des médias, celle-ci devra être remise à plat plus rapidement qu’attendu.

Paradoxalement, la volonté de compliquer la vie des plateformes, en leur offrant un créneau assez lointain et en limitant leur période d’exclusivité, pourrait les inciter à moins sortir leurs films porteurs, ceux qui représentent un nombre considérable d’entrées en salles, pour les réserver à leurs services numériques.  Quand on sait que Disney et Warner représentent en vitesse de croisière environ ¼ de la fréquentation cinématographique annuelle en France, il n’est pas interdit de s’interroger sur l’impact que la chronologie peut avoir sur les entrées en salle.

La régulation, c’est aussi la diversité et la richesse de l’offre à laquelle le public peut accéder. L’enjeu se pose pour la salle qui doit trouver un équilibre entre la mise en avant des films porteurs qui assurent des fréquentations fortes aux établissements et la nécessité de faire le reflet de la diversité des œuvres cinématographiques.

Curieusement Emmanuel Macron a proposé aux salles de cinéma d'oublier les films et de se diversifier pour se consacrer à l'Esport.

Une proposition qui va certainement profondément heurter le monde du cinéma confronté à une crise de fréquentation dont la fin n'est pas prévisible, mais qui pour partie est liée à des décisions sanitaires du gouvernement qui ont rompu le lien entre un le public et ses cinémas.

Cet enjeu se déploie aussi  en amont, au moment même de la création.

L'espoir vient aussi du fait que passées les expériences avec les plateformes les grands réalisateurs ont compris que sans la vie des films en salles leurs oeuvres perdaient de la densité et connaissaient une triste attrition.

Plutôt qu’un eugénisme créatif que certains sont toujours prêts à dégainer pour décider, comme le faisait le ministre du cinéma en URSS, combien de films ont droit de vie dans l’année, sans jamais définir les critères qui prévaudraient, la réforme du soutien à l’écriture doit être menée tambour battant.

Les discussions professionnelles en cours entre auteurs et producteurs pour renforcer le financement de l’écriture et améliorer les protections et les rémunérations des auteurs sont une pièce de ce puzzle qu’il va falloir collectivement assembler. Mais, c’est à coup sûr une réflexion plus large que le CNC et la nouvelle ministre de la Culture vont devoir engager pour que les budgets dédiés à l’écriture dans le cinéma français ne soit pas une ligne marginale dans le coût des films.

 

 

 

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