Rapport du Troisième type
23 janvier 2013 par Pascal Rogard - économie numérique
Rendons aux sénateurs ce qui leur appartient.
Ce sont bien Jean Arthuis et Philippe Marini alors respectivement président et rapporteur général du budget qui ont levé le lièvre de la fiscalité des entreprises numériques et de leur capacité d'innover pour échapper par tous les moyens possibles aux impôts ,taxes et obligations qui sont normalement applicables aux sociétés qui exercent leurs activités dans notre pays.
Le sénateur Marini avait même fait adopter un amendement visant à taxer la publicité en ligne et instituant ce qui a été communément qualifiée de taxe Google à ne pas confondre avec la Lex Google dont l'objectif serait de dédommager les éditeurs de presse.
Le gouvernement et une majorité de parlementaires ont ,en définitive, repoussé la proposition estimant que le missile Marini ratait sa cible et générait des dommages collatéraux pour les régies et les annonceurs français.
L'obstiné Président de la commission des Finances a remis l'ouvrage sur le métier et soumis au Sénat une proposition de loi actuellement en examen.
Mais la question n'a pas échappé au gouvernement qui sous la houlette d' Arnaud Montebourg et l'impulsion de la dynamique Fleur Pellerin qui dénonce " la piraterie fiscale " a chargé deux hauts fonctionnaires Nicolas Colin inspecteur des finances et Pierre Collin conseiller d'Etat, des Co(l)lin au carré en quelque sorte, de remettre un rapport sur la fiscalité du secteur numérique.
Et bien, pour une fois, on est pas déçu .
Le rapport est passionnant ,il décrit précisément les mécanismes qui font la fortune des actionnaires des géants de l'Internet, il confirme les analyses des sénateurs mais témoigne de la difficulté d'appréhender la valeur taxable des activités de ces entreprises et de redonner aux Etats le pouvoir d'intervention que la dématérialisation des transactions leur a fait perdre.
Le constat assez désolant est que l'agilité des chefs d'entreprise a nettement surpassé celle des politiques et des fonctionnaires qui ont été incapables d'adapter les systèmes d'imposition aux nouveaux mécanismes de création de richesse .
En général les rapports écrits par les brillants esprits français sont percutants et incontestables au niveau des constats mais peu opérationnels dès qu'il s'agit de proposer des solutions pertinentes.
Il faut reconnaitre que les Col(l)in² ont su éviter cet écueil en admettant que les solutions pérennes dépendent de négociations internationales longues et complexes, mais surtout en proposant dans l'attente des résultats de cette action diplomatique un système de taxation des données personnelles dont l'objectif est tout autant de protéger ce bien commun que de s'assurer que son utilisation par des entreprises commerciales pourra financer notre politique de développement économique.
Certains verront une contradiction entre la politique de protection et les objectifs de taxation mais c'est oublier que la taxation est un des moyens de renforcer la protection.A cet égard les rapporteurs ont beau jeu de rappeler le principe du pollueur payeur.
Ce rapport novateur va sans doute susciter les réticences de ceux qui hésitent à raisonner au delà des schémas classiques de la fiscalité traditionnelle .
Mais rappelons nous que la TVA est une invention française et que l'inventivité fiscale des multinationales du numérique nécessite la même faculté d'innovation pour recréer les conditions d'une concurrence loyale et donner ainsi aux entreprises européennes une vraie chance d'exister c'est à dire mattre en oeuvre une politique industrielle .
Les politiques qui ont trop longtemps déserté les chemins de la réflexion prospective doivent investir le terrain des idées neuves pour reconquérir les marges de manoeuvre qui rendront crédibles les discours sur l'emploi.
Ceux qui s'intéressent aux thématiques numériques sont trop souvent les porte-voix d'intérêts économiques qui utilisent une rhétorique de modernité pour échapper à leurs obligations.
La phrase de Michel Serres mises en exergue de la conclusion du rapport :
"Il y a beaucoup de choses qui ont secrètement changé, qu'on ne voit pas changer, mais qui ont complètement bouleversé le monde " est un appel à l'action pour que les choses qui changent nous les maitrisions pour le bien commun
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