Business as usual

13 février 2013 par - économie numérique

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Il devient de plus en plus rare dans le domaine des activités culturelles que la Commission de l'UE apporte une contribution positive au développement de la création.

Dernière pierre dans le jardin des auteurs une proposition de directive sur la gestion des droits d'auteur et des droits voisins élaborée sans concertation ni discussion préalable avec les sociétés  qui regroupent dans toute l'Europe, les dramaturges,scénaristes chorégraphes, réalisateurs...

Ceci s'explique peut-être par la génétique des carrières qui marque la rédaction de ce texte d'un sens aigu des tonalités musicales, mais dénote une  compétence nulle  dans le domaines du cinéma,de l'audiovisuel et du spectacle vivant.

Là est sans doute l'origine du mal .

On peut être en charge de l'intérêt général des européens et ne rien connaitre à la matière traitée pourvu  que  les idées soient claires et que l'on soit doté de l'humilité nécessaire au dur apprentissage de matières nouvelles.

Mais cette qualité d'écoute  est rare  à l'échelon intermédiaire de l'Eurocratie où sévit la morgue de ceux qui vouent au marché unique un culte digne des adeptes du Mandarom,un culte qui ignore que les cultures ne peuvent s'épanouir dans un cadre conçu pour les seules activités commerciales à rentabilité immédiate.

L'Europe que nous avons créée déteste les services publics, regarde d'un air dégouté toute  forme de mutualisation, ignore les activités désintéressées et méprise ses cultures.

Rien d'étonnant en conséquence à ce que le texte qui vise à réglementer les sociétés de gestion collective des droits d'auteur et droits voisins ne traduise une profonde hostilité à cette forme d'organisation coopérative inventée par Beaumarchais et ne vise en réalité qu'à l' affaiblir en vue de renforcer les opérateurs commerciaux.

Avec sa recommandation de 2005 sur la musique en ligne la commission de l'UE a  déstabilisé la gestion collective des droits musicaux, renforcé le pouvoir des majors et compliqué l'accès des diffuseurs et donc du public aux œuvres.

Quelle confiance peut-on accorder à ceux qui se sont aussi gravement trompés

Quel intérêt européen justifiait ce type d'action ?

Les mêmes questions se posent aujourd'hui face à une proposition de directive  qui fait fi des spécificités  et des différences entre les activités culturelles ,aligne toutes les têtes sur le portrait robot des grandes sociétés de gestion des droits musicaux et confond respect des règles de concurrence et uniformisation .

Ce texte est mauvais,  très mauvais et  souvent illisible et incompréhensible .

Il traduit un profond mépris des créateurs qu'il infantilise.

Il méconnaît les principes de proportionnalité et de subsidiarité comme l'a souligné dans une résolution le Sénat francais à la suite d'autres parlements nationaux.

Il assimile l'économie de l'audiovisuel du cinéma et du spectacle vivant à celle de la musique ignorant  les différences profondes entre des activités qu'aucun individu normalement constitué n'aurait l'idée de traiter de façon indistincte.

Il favorisera  sous prétexte de protéger les auteurs des agissements de leurs sociétés un engourdissement de leur capacités de réaction laissant ainsi le champ le libre aux sociétés purement commerciales.

Tous ces vices et quelques autres ont été parfaitement analysés par une mission du CSPLA qui a élaboré deux rapports l'un de Jean Martin sur la gouvernance et la transparence des sociétés, l'autre de Valérie Laure Bénabou sur la problématique des licences multi-territoriales concernant les droits en ligne des oeuvres musicales.

La lecture des analyses faites par ces deux éminents juristes de la propriété littéraire et artistique montrent la qualité désastreuse du travail de la Commission de l'UE qui en se dispensant de la concertation normale qu'implique le traitement de  sujets aussi complexes a conjugué ignorance et incompétence.

" Le pire n'est  jamais sûr " , car le Conseil des Ministres et le Parlement Européen ont leur mot à dire, mais que de palabres, de discussions infinies,d'ergotages en perspective pour faire triompher le bon sens et obtenir des conditions équitables pour la gouvernance de sociétés indispensables à la protection des droits des créateurs.

L'Europe est actuellement incapable de faire de grandes choses, mais qu'elle fasse au moins correctement son travail pour ne pas affaiblir les institutions qui protègent les créateurs dans une économie de la culture en voie de mondialisation.

Un peu moins d'arrogance ,beaucoup plus de compérence est ce trop demander ?

 

 

 

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